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En ce printemps 2020, notre monde a chancelé et chaque pays a apporté ses propres réponses à la pandémie, au gré de sa situation sanitaire et de ses approches politiques.

Comment les entreprises peuvent-elles s’inspirer de la manière dont la France et l’Allemagne ont géré la crise ?

En ce printemps 2020, notre monde a chancelé et chaque pays a apporté ses propres réponses à la pandémie, au gré de sa situation sanitaire et de ses approches politiques.

Alors que le Covid19 a provoqué près de 170 000 morts en Europe, 65 % à cette heure du bilan total de décès dans le monde, que peut-on retenir des approches respectives de gestion de crise de la France et de l’Allemagne?

Car….

« Repartir comme avant est une folie ! « (Cyril Dion, écrivain écologiste, en avril 2020)

Comparer les approches ? La question est d’autant plus intéressante que nous parlons ici d’un couple dont il serait à jamais nécessaire de renforcer les liens au service d’une Europe plus forte en vue d’apporter une réponse solidaire à la crise (Olaf Scholz, ministre fédéral des Finances,  dans Les Echos du 5 avril 2020) et réviser voire « améliorer » (Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, l’Express du 5 avril 2020)  notre rapport à la mondialisation.

Il ne s’agit donc pas d’ajouter une énième analyse, mais plutôt, à partir d’une comparaison factuelle de la manière dont la France et l’Allemagne ont géré la crise, en regardant ce que chacun des deux pays a réussi, de proposer un questionnement utile aux dirigeants et à leurs équipes, pour les aider à mieux organiser l’après-crise et transformer celle-ci en opportunités de changements.

La gestion de crise et le maintien de l’activité économique en Allemagne ont été déterminés par des différences structurelles et culturelles qu’il convient de rappeler :

  • Fédéralisme : chaque Land gère son degré de confinement en fonction de la propagation de l’épidémie
  • Processus décisionnel basé sur le consensus en Allemagne
  • Des manières de vivre différente, moins de déserts médicaux qu’en France en raison d’une plus grande urbanisation, culture relationnelle moins « physique » ( pas d’embrassades ni de bises en Allemagne ), le « home office »  pratiqué depuis plus longtemps qu’en France, etc…
  • Les dépenses de santé par habitant sont en Allemagne les plus élevées d’Europe, plus de 4 médecins par habitant
  • Un budget de 90 Milliards d’Euros pour la Recherche contre 50 en France
  • Équilibre des comptes publics outre-Rhin, dette équivalente à 100% du PIB en France

Outre ces différences, en France, le rassemblement religieux de 2000 personnes à Mulhouse a propagé le virus dans tout le pays et l’a ainsi placé dès début mars 2020 dans une situation critique. La pandémie n’a pas connu de facteur de propagation aussi fort en Allemagne. « Nous n’avons réagi que lorsque les morts étaient à nos portes » explique le philosophe professeur à l’Université de Lausanne, Dominique Bourg, qui rappelle que l’OMS a prévenu dès le 31 décembre 2019 d’une possible pandémie.

Ces différences énoncées, que pouvons-nous retenir des solutions qui ont été apportées et qui vont nous permettre d’inventer notre résilience et celle du rebond de l’après-crise ?

L’anticipation allemande

Ce que la situation interroge en premier lieu, ce sont les modes respectifs d’anticipation et de réaction de nos deux pays.

L’Allemagne présente une létalité faible. Alors que les cas confirmés en Allemagne ont dépassé les 175 000, le nombre de morts s’est élevé à 8007 (chiffres au 19 mai 2020) contre 28332 en France à la même date. Pourquoi le taux de mortalité des personnes atteintes du virus en Allemagne a-t-il été beaucoup plus faible que dans les pays voisins ?

Plusieurs raisons :

  • Les  tests généralisés et remboursés mis en place dès janvier 2020
  • Un nombre de lits disponibles en soins intensifs très important

Paradoxalement, cette situation qui a fait apparaître l’Allemagne comme le bon élève de l’Europe, l’a rendue en quelque sorte « redevable », obligée de cultiver l’humilité en évitant d’apparaître comme donneuse de leçon ou dominatrice par rapport à ses voisins européens, tout en l’obligeant à agir contre une crise de la zone Euro.

Et on peut se réjouir du fait que le couple franco-allemand montre la voie. En présentant ce lundi 18 mai l’accord franco-allemand en faveur un plan de relance de 500 milliards d’€ pour soutenir l’économie européenne frappée par la crise, la France et l’Allemagne s’engagent ensemble au profit d’une solidarité européenne. L’Allemagne accepte l’idée d’une dette « commune ».

Ce signe considérable d’une solidarité  accrue et d’une cohésion renforcée en Europe peut être une impulsion très positive pour les dirigeants de nos deux pays, ainsi encouragés à travailler ensemble encore davantage que par le passé.

Qu’a fait la France ?

L’adaptation française

La France a quant à elle adopté un mode réactif qui lui a permis de mettre en place très rapidement un dispositif de confinement strict et le respect des gestes barrières.

La transformation brutale d’activité qu’il a induit a été décriée, mais force est de constater que du côté des entreprises, la rapidité avec laquelle les dirigeants français ont su prendre les mesures pour protéger l’activité a impressionné.

Beaucoup d’équipes de direction ont fait bloc, ont spontanément communiqué parfois plus efficacement qu’à la normale!

Les entreprises françaises ont su s’adapter et mobiliser leur savoir-faire et leurs outils de production pour faire face à la crise. Dans un laps de temps record, les équipes ont démontré solidarité et esprit de bon sens.

Les dirigeants ont révélé, en France, une agilité remarquable malgré un contexte difficile et des règles de confinement particulièrement strictes.

Dans le secteur industriel, les entreprises ont fait preuve de flexibilité et  de dialogue. Les décisions de réorganisation ont été concertées et ont permis de maintenir l’activité : télétravail des services administratifs et commerciaux, plan de continuité d’activité pour les sites de production avec des équipes réduites, pour ne citer qu’une partie des décisions mises en œuvre avec efficacité.

D’autres entreprises, comme un  grand groupe hôtelier de renom, ont mis à disposition des personnels soignants et des populations défavorisées leurs services et leurs capacités d’accueil considérables.

Solidarité a été le maître mot.

Deux modes de communication

La chancelière déclare que le Covid 19 est le plus grand défi auquel doit faire face l’Allemagne depuis la seconde Guerre mondiale et en appelle à la responsabilité individuelle au nom du collectif. Elle ajoute qu’elle décidera en concertation avec les Länder et elle se met au même niveau que chacun des citoyens.

Son message est clair : l’économie doit continuer à tourner. Son discours est perçu comme rassurant.

Pour Emmanuel Macron,  « nous sommes en guerre ». Par sa posture, il semble illustrer un mode de management centralisé, avec une distance hiérarchique confirmant une fois de plus l’organisation pyramidale du pays et de ses modes de pensée. Son discours est ressenti comme une injonction paradoxale, voire anxiogène et dé-responsabilisante.

Même s’il convient de lire ces modes de communication à la lumière des différences culturelles entre nos deux pays, il semble que communiquer d’adulte à adulte, responsabiliser chacun sur les objectifs communs, entraîne plus de sérénité et moins de peur.

Confiance vs contrôle

Les règles de confinement en France, avec les sorties limitées dans le temps et l’espace obligeant chacun à se munir d’une attestation et assorties d’amendes en cas de non-respect, contrastent en effet avec les recommandations de distanciation sociale déclinées Land par Land en Allemagne, fondées sur une confiance quasi-communautaire.

Approches top down et bottom up se côtoient et avec elles une certaine conception de la confiance.

Et maintenant ?

Cette séquence aura démontré, et cela bien au-delà de nos deux pays, notre vulnérabilité mais également notre capacité de résilience et celle de nos entreprises.

La question pour nos dirigeants  est maintenant de choisir les bonnes approches pour sortir de cette crise avec courage et rétablir la croissance.

Des études récentes comme celles de Mc Kinsey & Company  ( CEO’s can draw on the region’s spirit of innovation to recover revenues, and even grow, after COVID -19, Philipp Ernst ) considèrent que l’Europe, championne pour innover est dans ce contexte, particulièrement bien positionnée pour prospérer.

À l’heure du déconfinement,  que peuvent mettre en place les dirigeants pour tenter de maîtriser l’incertitude ? Quelles sont les bonnes questions à se poser au profit de la reprise d’activité ?

Leurs actions pourront d’abord intégrer un arrêt sur image de tout ce qui a permis de faire face efficacement à la crise, notamment :

  • Cultiver la confiance et garantir un bon climat d’entreprise
  • Intégrer la notion de durée dans les décisions de l’entreprise pour garantir sa pérennité optimale
  • Organiser un télétravail efficace
  • Maintenir les cercles vertueux de la communication digitale  pour la régularité des échanges

Mais cette crise est également une opportunité exceptionnelle de mieux faire.

Que pouvons-nous améliorer en terme d’intelligence collective, de communication et de changement de business model?

Quelles seraient les trois séries de questionnements principaux que l’on pourrait recommander aux dirigeants en processus de déconfinement ?

  1. Prendre du temps pour refaire communauté et cultiver l’intelligence collective

Quelques questions à se poser utilement

  • Nos instances de gouvernance sont-elles bien alignées ?
  • Y-a-t-il une bonne cohérence entre les valeurs véhiculées par l’entreprise et celles activées au sein de l’équipe dirigeante ?
  • Quel est le niveau de résilience et d’engagement de l’équipe de direction ?
  • Les équipes avancent-elles unies et solidaires ?
  • Les équipes sont-elles solides ? Y-a-t-il une bonne compréhension des rôles de chacun ?
  • Le rôle de chef d’orchestre du dirigeant est-il bien accepté ?
  • Les équipes sont-elles suffisamment diverses pour promettre la performance optimale ?
  1. Soigner la  communication au sein de l’entreprise, rassurer plutôt que faire peur

La vie des collaborateurs est le bien le plus précieux des entreprises. La vie de l’entreprise dépend d’elle, aussi.

  • Avons-nous communiqué d’adulte à adulte avec toutes les parties prenantes afin d’induire la responsabilité de chacun et la respecter ?
  • Avons-nous réussi à garder voire à accroître la confiance des salariés ?
  • Qu’avons-nous fait pour favoriser la résilience des salariés ? des équipes ? Etait-ce suffisant ?
  • Avons-nous pris du temps pour expliquer clairement et de manière transparente quels sont les objectifs?
  • Avons-nous suffisamment anticipé quels seront les besoins des salariés ?
  • La dimension RSE de l’entreprise est-elle suffisamment « musclée »?
  • Les actions spécifiques ont-elles été mises en place pour protéger le moral des collaborateurs, réinventer la relation ?
  1.  Revisiter son business model 
  • Avions-nous suffisamment anticipé cette crise ?
  • Nos fournisseurs ont-ils été à la hauteur ?
  • Avons-nous au sein de nos instances dirigeantes suffisamment de profils intrapreneurs qui disposent des compétences adaptées pour notre avenir : esprit de collaboration, volonté d’apprendre, vision audacieuse, et détermination à suivre les initiatives de croissance jusqu’à leur réalisation ?
  • Notre système informatique répond-il aux défis présents et futurs ? Permet il d’assurer une productivité optimale des équipes ?
  • L’activité opérationnelle a-t-elle démontré sa capacité de résilience ?
  • Les chaînes de production ont-elles su réagir suffisamment vite à la disruption tout en renforçant l’activité opérationnelle en considération des futurs risques de la chaîne de valeurs ?
  • Avons-nous mis en place le maximum pour assurer la meilleure productivité possible en période d’incertitude ? Le poste de travail digital satisfait-il nos besoins ?

Ces questionnements et les réponses qui y seront apportées donneront lieu à un cercle vertueux de réflexions. Ce processus permettra d’expliquer et de manager le changement dans la continuité avec les équipes mobilisées dans l’action et l’interaction. Car il s’agira bien, à partir de changements profonds, de développer de nouvelles solutions pour la nouvelle durabilité de nos entreprises.

« Le secret du changement c’est de concentrer toute votre énergie non pas à lutter contre le passé mais à construire l’avenir. »

Socrate


Auteur : Frédérique Genton, Partner Exec Avenue, Paris / Francfort
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