Le modèle de réussite de l’Allemagne au cours des dernières décennies repose sur son interdépendance avec l’économie mondiale. Mais la pandémie et la guerre en Ukraine mettent en évidence les risques liés à la fragilité des chaînes d’approvisionnement et à la dépendance vis-à-vis de régimes autocratiques. D’autres facteurs de stress pour l’économie allemande sont le changement démographique, l’intégration des personnes ayant fui leur pays et la transformation écologique. L’économie allemande doit-elle se réorienter fondamentalement et le modèle économique allemand doit-il être réinventé ? La dernière « ifo Schnelldienst », une revue de l’institut ifo de recherche économique, analyse ce qui doit changer pour que l’Allemagne soit prête pour l’avenir.
Éviter les dépendances économiques
La caractéristique la plus importante du modèle économique de l’Allemagne est sans doute la forte interdépendance de son économie avec l’extérieur. Le commerce extérieur joue un rôle particulièrement important pour l’Allemagne par rapport aux autres pays du G7. De plus, les entreprises allemandes achètent en grande partie des prestations intermédiaires à l’étranger.
Les exportations allemandes de biens représentent 21% de la valeur ajoutée étrangère. On peut donc en conclure que l’Allemagne aurait beaucoup à perdre d’une restriction du commerce international et qu’elle devrait à l’avenir veiller davantage à éviter les dépendances économiques critiques.
Nécessité d’une plus grande diversification des relations commerciales
Selon les experts de l’Ifo, ce serait toutefois une erreur de réagir aux frictions actuelles du commerce international par une stratégie de découplage ou de « reshoring » généralisé, c’est-à-dire de rapatriement des sites de production ou de « nearshoring », la délocalisation des activités d’une entreprise dans un pays étranger proche. Une gestion consciente et globale des dépendances critiques est nécessaire, dans laquelle l’État s’implique davantage qu’auparavant, surtout lorsqu’il s’agit de risques systémiques tels que les pandémies, les crises financières et le changement climatique, qui ne peuvent pas être gérés par des entreprises individuelles.
Ainsi, selon l’Ifo, l’avenir du modèle économique allemand ne devrait pas consister en un démantèlement des relations économiques internationales ou en une limitation du commerce aux démocraties de type occidental. Ce qu’il faut, c’est plutôt une gestion meilleure et plus systématique des dépendances économiques extérieures et des risques qui y sont liés. Cela devrait aller de pair avec une plus grande diversification des relations commerciales.
Renforcer la politique énergétique européenne
Un très grand besoin de changement existe également dans le domaine de la politique énergétique. Dans l’ensemble, il faut s’attendre à ce que les coûts de l’énergie augmentent plus fortement en Allemagne que sur de nombreux autres sites industriels, du moins pendant une longue période de transition. De plus, la conversion de l’approvisionnement en gaz nécessite des changements dans l’infrastructure, ce qui implique des coûts élevés. Cette transition représente une charge importante pour l’Allemagne en tant que site pour les industries à forte consommation d’énergie.
Mais relever ces défis ne requiert pas seulement des efforts au niveau national. En matière de politique commerciale, les compétences se situent déjà au niveau européen. En matière de politique énergétique, une plus grande sécurité d’approvisionnement est difficilement réalisable sans une plus grande coopération européenne. Une partie importante de l’avenir du modèle économique de l’Allemagne consiste donc, notamment en matière de politique énergétique, à renforcer l’action commune au niveau européen.
Lien : https://www.ifo.de/DocDL/sd-2022-09-zukunft-geschaeftsmodell-deutschland.pdf
Auteur: Jitka Mencl-Goudier
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